Exposition des patients « Zéphyr » : l’art comme allié en santé à l’hôpital Pitié-Salpêtrière

Exposition des patients « Zéphyr » : l’art comme allié en santé à l'hôpital Pitié-Salpêtrière

Mai 2025

Au cœur de la grande chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière souffle actuellement « Zéphyr », une exposition collective née de la rencontre entre art, soin et humanité. Ce projet, porté par la direction de la culture et du mécénat du groupe AP-HP. Sorbonne-Université, réunit les créations de patients issus de quatre services de soins : oncologie médicale, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie adulte et neurologie (programme JUMP).

De patients à artistes : l’art-thérapie pour transformer les émotions et restaurer l’image de soi

Après une première édition en 2024 consacrée au souffle, cette deuxième édition explore le thème de la légèreté à travers des expressions artistiques individuelles et collectives de patients. Cette légèreté se manifeste ici dans les matières, les couleurs et les émotions incarnées par les œuvres exposées. Légèreté ne veut pas dire absence de poids, mais reflète cette capacité à vivre avec grâce et souplesse malgré ce qui pèse. Comme en témoigne l’une des patientes exposées : « Nous nous sentons soutenues et prises en considération. Nous sortons d’un statut de malade pour devenir auteure d’une œuvre d’art. C’est une autre forme de mouvement qui nous fait du bien. »

Peintures, collages, modelages, lanternes, poèmes… Les œuvres sont le fruit d’ateliers artistiques menés dans les services, encadrés par des professionnels engagés comme Félicia Laridon-Valentini, art-thérapeute en oncologie : « Dessiner nos espoirs ou nos envies n’est pas illusoire : c’est le début d’un processus de transformation. Une personne ne se limite pas à un symptôme à soigner ; c’est avant tout un être complexe. » Et sa collègue Lorraine Suty : « L’art est un outil d’émancipation puissant. Emprunter des chemins renouvelés pour mieux se rapprocher de soi : entre mouvement et équilibre, pour une transformation au fil des expérimentations. » Car l’art-thérapie permet un accès à des ressentis profonds, à des ressources parfois oubliées et à une parole non verbale.

Ici, chaque création devient un témoignage de vie, une preuve intime de résilience. Pour les patients, ces espaces de création sont de véritables respirations dans des parcours souvent lourds : « Travailler sur cette exposition m’a donné de l’énergie. C’est un objectif positif intégré dans notre parcours de soins. Cela procure des moments de bonheur, de remise en confiance, de bienfaits psychologiques et même physique ! »

Dans le silence d’un atelier, entre la matière et les couleurs, beaucoup se reconnectent à eux-mêmes, ressentant une forme de liberté : « Les douleurs ont pu s’éclipser. Il y a une reconstruction, un apaisement. C’est de l’espoir pour nous. »

Mais ces ateliers sont également des espaces de rencontre : entre les patients et l’art, mais aussi entre les patients et les soignants, ou entre pairs, dans une dynamique bienveillante.

      

Un autre regard sur les patients

Du côté des soignants, cette exposition transforme aussi les regards :

« On voit les patients autrement qu’en consultation ou qu’en hospitalisation. C’est autant stimulant et gratifiant pour eux que pour nous. Notre service leur donne ainsi la possibilité de s’exprimer pleinement et cela contribue au mieux-être à l’hôpital. Merci à ces patients remplis de vie, si inspirants. »

Sous l’impulsion du Pr David Cohen, chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, des jeunes âgés de 3 à 18 ans bénéficient d’activités artistiques pour développer une perception renouvelée d’eux-mêmes, de rompre l’isolement et de réinventer le lien social souvent mis à mal par la maladie.

Le centre scolaire Georges Heuyer intégré au service travaille en très étroite collaboration avec les équipes soignantes du service, pour accompagner les enfants et adolescents soignés dans le service afin qu’ils puissent continuer leur scolarité. Son directeur, Nicolas Hespel, souligne l’intérêt d’intégrer l’art dans l’enseignement : « Il y a dans la pratique de l’art une possibilité inépuisable de renouer avec la vie, là où la maladie, mortifère, tend à y renoncer. » Ainsi, les équipes pédagogiques et éducatives du service se sont pleinement investies auprès de leurs jeunes patients-artistes.

Dans le service de psychiatrie du Pr Philippe Fossati, les adultes hospitalisés ont accès à des temps de création, notamment lors d’ateliers d’ergothérapie. Les patients explorent diverses techniques pour exprimer l’indicible, structurer la pensée, ou se retrouver dans un moment de présence à soi. Ils retrouvent un sentiment de compétence, se sentent valorisés et ont plaisir à créer.

Au sein du service d’oncologie médicale du Pr Jean-Philippe Spano, les art-thérapeutes proposent différents médiums aux patients en hôpital de jour comme en hospitalisation. Par exemple, la peinture pour mettre en forme et mettre en sens progressivement leurs affects et leurs émotions. Ou les médiations plastiques sur plusieurs séances pour que le patient puisse se fixer des objectifs à plus long terme.

Le programme JUMP, plateforme de transition enfant / adulte du département de neurologie du Pr Emmanuel Flamand-Roze, utilise la création comme outil de réinvention de soi, un moyen d’affirmer une présence au monde au-delà des limitations imposées par la maladie. Cela participe au mieux-être global des patients dans un cadre soutenant.

      

La culture au service de la reconnaissance de l’autre, au-delà de la maladie

La grande chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, avec sa majesté sobre, offre un contraste saisissant avec l’énergie des œuvres : elle devient un écrin sacré d’émotions partagées, un lieu où l’hôpital cesse d’être uniquement un lieu de soins.

Comme l’exprime l’un des visiteurs : « C’est une superbe exposition et il y a un magnifique contraste entre l’austérité de la chapelle et l’explosion de couleurs des œuvres ! » Un autre, venu en famille, souligne que bien que les œuvres viennent de patients dans différents services, « les créations s’associent et se marient. Nous n’associons plus l’hôpital simplement aux traitements difficiles, mais aussi à cette possibilité de créer et aller de l’avant ensemble. »

D’autres visiteurs se sont reconnus dans les œuvres des patients-artistes. Une dame raconte : « Cela me renvoi à des moments de ma vie, à des questionnements existentiels. » Une patiente suivie en psychiatrie a découvert l’exposition lors d’une visite à l’hôpital : « Cela résonne bien en moi. Je trouve cette exposition sensible et respectueuse. Merci de ce partage qui fait aussi mieux comprendre les différences. C’est un autre regard qui fait du bien. »

Zéphyr, comme son nom l’indique, est ce souffle léger mais déterminé qui traverse les épreuves et les corps fragilisés. Il rappelle que l’hôpital peut aussi être un lieu de création, de reconnaissance, de rencontre et de beauté. Et comme l’écrit Josep Iranzo Izquierdo, patient et poète, dont le texte accompagne le parcours de l’exposition :

Bienvenue soit la brise, / Douce force de Zéphyr, / Dans nos voiles, douce bise / Qui nous mène à l’avenir…

 

      

📍 Exposition visible jusqu’au mardi 27 mai, tous les jours de 10h à 18h, à la grande chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. Entrée libre.

Crédit photographique : Laurence DENTINGER APHP. Sorbonne Université