Traitement de la maladie d’Alzheimer par une chirurgie lympathicoveineuse du cou
L’AP-HP rappelle que cette technique chirurgicale n’est pas validée aujourd’hui et que toute perspective d’y recourir devrait s’appuyer sur une démarche scientifique fondée sur les preuves.
La maladie d’Alzheimer touche environ 900 000 personnes en France. Elle se manifeste par l’accumulation de protéines amyloïdes et Tau dans le cerveau, qui s’accompagne d’une perte de neurones et de synapses, à l’origine des symptômes. Première cause de dépendance chez les personnes âgées, cette pathologie se révèle par ailleurs très éprouvante pour les aidants.
En parallèle, depuis une dizaine d’années, émerge le concept d’un système lymphatique qui drainerait les « déchets » du cerveau vers les vaisseaux lymphatiques profonds du cou. Ce système serait altéré dans la maladie d’Alzheimer, ce qui expliquerait l’accumulation de protéines dans le cerveau. Cette théorie est corroborée par des données scientifiques chez l’animal et par des données indirectes chez l’homme, de faible niveau de preuve.
À partir de ces données, des équipes chinoises ont néanmoins commencé à raccorder les vaisseaux lymphatiques du cou à des veines, dans l’espoir d’accélérer le drainage des « déchets » du cerveau chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. C’est ce qu’on appelle la chirurgie lymphaticoveineuse du cou.
Leurs résultats ont été communiqués sous la forme de rapports de cas uniques ou de plusieurs cas, sans la rigueur scientifique nécessaire pour évaluer l’efficacité réelle des techniques employées, aucun comparateur n’ayant été utilisé. L’engouement pour cette pratique chirurgicale s’est révélé tel que de trop nombreux hôpitaux ont démarré cette activité en Chine, avant que la Commission nationale de la santé (autorité chinoise de régulation) ne l’interdise en juillet 2025, en dehors de protocoles de recherche, devant l’inégalité des résultats observés et la dérive des méthodes.
Dans ce contexte, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Pairs – AP-HP rappelle que la chirurgie lymphaticoveineuse cervicale ne peut pas être pratiquée en France pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer : en effet, à ce jour, elle n’a pas fait l’objet de protocoles de recherche soumis à l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et d’un comité d’éthique.
En France, la recherche impliquant la personne humaine est en effet encadrée par un cadre législatif précis, qu’il est très important de respecter strictement. Cela s’applique tout particulièrement à la chirurgie lymphaticoveineuse cervicale :
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La chirurgie moderne doit être fondée sur les preuves : prescrire des examens coûteux, réaliser une chirurgie non référencée par la nomenclature des actes médicaux, sans preuve de l’efficacité de la procédure, est contraire à tout principe éthique et légal.
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La démonstration de l’efficacité doit être irréprochable : dans une maladie aussi complexe, il est vraisemblable que l’amélioration du drainage lymphatique ne suffise pas à arrêter complètement la progression de la maladie, encore moins à la guérir. Démontrer l’efficacité nécessite de nombreuses étapes et un faisceau d’arguments à la fois biologiques et cliniques.
Cette recherche est actuellement en cours : plusieurs protocoles commencent à être déployés à l’échelle mondiale, notamment en Chine, aux États-Unis et en Europe. L’AP-HP travaille sur un tel projet de recherche mais celui-ci est en cours de définition et n’a pas encore été autorisé.
Démarrer ces interventions dans le cadre du soin courant sans protocole de recherche serait non seulement illégal mais irresponsable au sens où cela risquerait de condamner la chirurgie lymphaticoveineuse cervicale pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer avant même qu’elle puisse être correctement évaluée. Si celle-ci ne fonctionne que parmi une sous population de patients atteints, la réaliser sans évaluation adéquate risque de faire penser à tort qu’elle ne fonctionne pas.
L’espoir que cette technique suscite, face à une maladie aussi grave, est immense, et l’AP-HP se doit de rester garant de l’éthique et la rigueur scientifique pour le bien des patients.