« Vulnérables » : exposition d’Art Brut inédite dans la Chapelle Saint-Louis

« Vulnérables » : exposition d'Art Brut inédite dans la Chapelle Saint-Louis

Juin 2025

Conçue dans le cœur battant de la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, l’exposition Vulnérables s’engage dans un processus artistique qui explore les failles de notre condition humaine.

Une exposition pleinement ancrée dans l’hôpital

Montrer à tous que l’art peut être une réponse au mal-être.

Portée et imaginée par le professeur David Cohen, chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et artiste plasticien, l’exposition offre une production artistique riche mêlant plusieurs supports et installations. Ainsi, 29 artistes internationaux nous proposent d’explorer les vulnérabilités médicales dans leurs diversités : du malade mental, au mourant, à l’insuffisant respiratoire, à la femme enceinte, au thérapeute et au soignant impuissant. Par leurs œuvres sensibles, les artistes mobilisent notamment des artefacts de la chapelle, des faits historiques et actuels, une iconographie et des textes d’archives et de science. Ainsi, la proposition artistique offerte aux visiteurs se place exactement dans les interstices des vulnérabilités et des radicalités qui marquent et ont marqué le lieu.

©Laurence Dentinger

L’art comme reflet de nos vulnérabilités accompagne la maladie et participe à atténuer le mal-être. Vulnérables vise à « montrer à tous que l’art peut être une réponse au mal-être » déclare David Cohen. L’artiste se décharge de ses faiblesses par la création et invite également le spectateur à se délivrer des siennes. Les vertus thérapeutiques et cathartiques de l’activité artistique permettent, en particulier pour le créateur, de se questionner et d’évoluer au-delà d’un moi bloqué par ses propres vulnérabilités. D’un point de vue psychiatrique, l’art-thérapie a été théorisée par de nombreux psychiatres dont Hanz Prinzhörn, Jacqueline Porret-Forel et Robert Volmat. Ces derniers considèrent que l’acte artistique permet, en effet, de matérialiser les troubles intérieurs.

Le professeur Cohen ajoute : « L’hôpital a toujours été par essence un lieu d’accueil pour les marginaux, les exclus, les handicapés, les vulnérables ». En effet, conçue en 1669 pour accueillir les indigentes de la ville de Paris, la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière s’inscrit dans le projet de l’Hôpital général. Elle est pensée comme lieu de redressement et d’enfermement au fonctionnement semi-carcéral qui vise à exclure les marginalisées et les confiner aux portes de la ville.

Loin de sa fonction primaire d’établissement de soins, l’hôpital invite l’artiste dans un parcours artistique relevant de la maladie, de la souffrance et même de la mort. Il s’agit désormais d’un espace d’expérimentation où s’articulent art et pathologies. La création s’épanouit dans un cadre unique qui confère de l’autonomie aux marginalisés.

Focus : Les œuvres des patients de pédopsychiatrie

L’exposition Vulnérables met entre autres en valeur les travaux des enfants hospitalisés au sein du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, scolarisés dans le centre scolaire du service. 

En partenariat avec le Musée Guimet, les enfants ont réalisé une œuvre unique, en hommage aux temples d’Angkor. Par ailleurs, les professeurs du centre scolaire valorisent les créations artistiques spontanées des enfants et les encouragent à exprimer leurs vulnérabilités à travers le geste créatif.  C’est le cas d’Amadou, 10 ans, qui suite à une visite dans Paris avec l’école a proposé un dessin retraçant son expérience dans la ville et ses émerveillements. Mettre en lumière le travail d’Amadou aux côtés de celui de Jacques Dubuffet ou Michel Nedjar constitue la grande force de cette proposition artistique.

Vulnérables ou la fragilité de la condition humaine

Elle [la vulnérabilité] n’est ni accident ni erreur.

Le mot « vulnérable » renvoie par son étymologie à l’idée de blessure pour celui ou celle « qui est exposé(e) à recevoir des coups ». Que cela concerne les vulnérabilités du corps, de l’esprit ou de l’ordre social, l’intégrité de l’être humain est organiquement vouée à être affectée et altérée. « La vulnérabilité est le compagnon de route le plus constant de notre vie et ce par quoi elle menace de se dérober à nous » explique Eva Illouz. Cette existence primaire sujette à l’incertitude est le reflet même de notre condition humaine. Pourtant, exprimer ses incapacités est aussi une manière de les dépasser. Les vulnérabilités, communément associées à la faiblesse, incarnent ainsi une forme de résilience et de résistance qui leur confère un caractère radical. « Elle [la vulnérabilité] n’est ni accident ni erreur » rappelle Francine Saillant. Nul ne peut lui échapper. En revanche, certains choisissent de la subir tandis que d’autres la transcendent. C’est le cas de Jacques Soisson qui, affecté durablement par la guerre d’Algérie, se servira de l’art comme thérapie.

 

L’art nous amène à penser, voir, entendre cette fragilité avec humanité.

L’exposition invite le spectateur à faire le point sur sa propre vulnérabilité afin d’éviter que l’ignorance de celle-ci ne soit un frein au dialogue social. Dans ce cadre, l’art a vocation de sublimer, partager, soulager et réunir les individus. La vulnérabilité partagée et, d’autant plus à travers l’art, engage donc la parole entre les individus. En effet, David Cohen le résume : « L’art nous amène à penser, voir, entendre cette fragilité avec humanité. »

Le vernissage, un moment de foisonnement culturel

 

©Laurence Dentinger

Le 24 juin 2025 dernier s’est tenu le vernissage de l’exposition Vulnérables. Haut-lieu de rencontres artistiques, celle-ci a accueilli 800 personnes venues admirer les œuvres des artistes exposés. Cette large communauté accueillie au sein de la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière a attiré artistes, membres du personnel hospitalier, partenaires culturels et curieux…