LUPUS ET GROSSESSE
La grossesse dans le cadre du lupus systémique et/ou du SAPL doit idéalement être « programmée » et surveillée de manière particulière.
1. AVANT LA GROSSESSE : LA CONSULTATION PRE-CONCEPTIONNELLE
Cette consultation permet d’évaluer et de prendre en charge 4 points essentiels.
- Concernant le lupus lui-même
Celui-ci doit être le plus calme possible.
Lorsque le lupus est actif durant la grossesse, les risques de complications obstétricales, comme un accouchement prématuré ou un nouveau-né de petit poids, sont augmentés.
Il est donc habituellement recommandé de ne démarrer la grossesse qu’à distance d’une poussée, lorsque le lupus est contrôlé depuis au moins 6 mois (12 mois en cas d’atteinte sévère, rénale par exemple).
Le risque de poussée de la maladie au cours de la grossesse est augmenté; le plus souvent il s’agit de symptômes modérés si le lupus est bien contrôlé avant le début de la grossesse.
Les traitements suivants peuvent être utilisés sans risque au cours de la grossesse :
– l’hydroxychloroquine : PLAQUENIL©
– les corticoïdes : PREDNISONE : CORTANCYL©, idéalement la dose ne doit pas dépasser 10 mg par jour.
– et certains immunosuppresseurs comme l’azathioprine : IMUREL© ou le tacrolimus : PROGRAF©.
Une surveillance régulière est indispensable pour vérifier l’absence d’apparition ou d’aggravation des manifestations du lupus, ce qui pourrait alors être une indication à renforcer le traitement.
- La biologie anti-phospholipide ou le syndrome des anti-phospholipides (SAPL)
La présence des anticorps anti-phospholipides est systématiquement recherchée (environ 30 à 40 % des patientes lupiques).
On sait que la présence de ces anticorps est associée à un sur-risque de complications durant la grossesse (fausse couche spontanée, mort fœtale et pré-éclampsie: hypertension artérielle en cours de grossesse avec albumine dans les urines).
– En cas de biologie anti-phospholipide positive isolée (c’est à dire sans symptôme ou antécédent lié à un syndrome des anti-phospholipides), un traitement par ASPIRINE à faible dose (100 mg par jour) est indiqué.
– En fonction de l’existence d’un syndrome des anti-phospholipides associé, la prescription d’un traitement anticoagulant : injections d’héparine HBPM (LOVENOX©) est ajoutée (la dose utilisée est décidée en fonction des antécédents de chaque patiente).
- La présence d’anticorps anti-SSA ou anti-SSB
La présence d’anticorps anti-SSA/Ro ou SSB/La (environ 20 à 30 % des patientes lupiques) peut rarement être associée au risque de lupus néonatal.
Durant la grossesse, les anticorps maternels peuvent passer la barrière placentaire et donner des symptômes chez l’enfant, même si celui ne développera pas de lupus à proprement parler.
Le lupus néonatal peut se manifester essentiellement par :
– une éruption cutanée, qui ressemble au lupus cutané, et qui régresse spontanément en quelques mois
– et/ou par un bloc auriculo-ventriculaire congénital (BAV), problème de transmission au niveau du « circuit électrique » du cœur du bébé, qui se traduit par un ralentissement de la fréquence cardiaque du bébé.
Si une patiente a cet anticorps et même si le risque est très faible (99% de chance que rien ne se passe), on propose de mettre en place une surveillance du rythme cardiaque fœtal par échographie tous les 15 jours entre 16 et 26 SA.
En effet, la découverte d’un BAVc justifie alors une prise en charge très spécialisée.
- Les médicaments
Certains médicaments sont contre-indiqués pendant la grossesse :
– L’utilisation de tous les AINS (anti inflammatoire non stéroïdiens), y compris l’aspirine à des doses ≥ 500mg/j, est déconseillée au cours de la grossesse et est formellement contre-indiquée à partir de 24 SA (5 mois de grossesse).
L’aspirine à faible dose (100 mg/j) peut être prescrite.
– De nombreux immunosuppresseurs sont contre-indiqués au cours de la grossesse : CELLCEPT©, ENDOXAN©, METHOTREXATE©.
Si un immunosuppresseur est nécessaire, on arrêtera ce traitement avant la grossesse et on le remplacera si besoin par l’IMUREL© ou le PROGRAF©.
– Les anticoagulants oraux AVK (antivitamine K) : PREVISCAN©, COUMADINE©, doivent être interrompus et remplacés par des injections d’héparine HBPM dès le diagnostic de grossesse (et normalement avant 6 SA).
– Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (SARTAN) sont contre-indiqués aux 2° et 3° trimestres de la grossesse. On les arrêtera de préférence avant.
– Les biphosphonates (FOSAMAX©, ACTONEL©) doivent être arrêtés au moins 3 mois avant.
Cas particuliers : Les procédures d’induction de l’ovulation, de procréation médicalement assistée (FIV notamment) comportent des risques particuliers mais ne sont plus contre-indiquées. Elles justifient une prise en charge très spécialisée.
2 - SURVEILLANCE DE LA GROSSESSE
Le suivi pendant la grossesse est multidisciplinaire, c’est-à-dire qu’il est réalisé avec le médecin du lupus, l’obstétricien, l’anesthésiste et d’autres intervenants si besoin.
Il est réalisé de manière mensuelle, avec la surveillance des signes d’évolutivité du lupus comprenant : un examen clinique, une prise de sang et un examen d’urine, ainsi que la surveillance habituelle de toute grossesse, comprenant : l’examen physique, la mesure de la pression artérielle, le poids, les contrôles des sérologies toxoplasmose si besoin, les échographies obstétricales, le dépistage du diabète ou de la trisomie 21.
3. - ACCOUCHEMENT
Il est souvent programmé vers 39 SA.
Les modalités d’accouchement (par voie basse ou par césarienne) sont discutées en fonction des conditions obstétricales, comme pour toute grossesse.
4. - DANS LES SUITES DE LA GROSSESSE
Une surveillance régulière est maintenue après l’accouchement, parfois des poussées lupiques peuvent survenir dans les mois suivant l’accouchement.
Un traitement préventif des phlébites par HBPM : LOVENOX© peut être prescrit dans les 6 à 8 semaines qui suivent l’accouchement en fonction du risque pour chaque patiente.
L’allaitement maternel est possible, sauf en cas de prise de médicament non compatible comme l’IMUREL©.
* Au cours de la grossesse, par convention, les médecins parlent de semaines d’aménorrhée (SA) ou de mois de grossesse. Les semaines d’aménorrhée correspondent au nombre de semaines depuis la date des dernières règles. La fécondation, c’est-à-dire le début de la grossesse survient généralement 14 jours après le début des règles. Il y a donc un décalage de 2 semaines entre les mois de grossesse et les SA. Par exemple, la première échographie se fait habituellement à 12 SA, ce qui correspond à 10 « semaines de grossesse ».